ChristianSS2018Lors de la 96e Semaine sociale du MOC qui s'est déroulée les 12 et 13 avril 2018, Christian Kunsch a prononcé le traditionnel discours de cloture des débats. Cette année, ceux-ci étaient consacrés à l'état de la démocratie. D'ici quelques mois, vous pourrez-retrouver les actes de cette Semaine sociale dans un numéro spécail de la Revue politique. En attendant, voici déjà les conclusions du président du MOC.

 

 

Chers amies, chers amis,

 

Deux raisons peuvent être évoquées au choix du thème de la Semaine sociale de cette année, « L’état de la démocratie », qui a suscité une participation très nombreuse. La première, c’est la proximité avec deux échéances électorales prochaines (en 2018 et en 2019). La seconde, c’est l’évolution alarmante de la démocratie que nous constatons aujourd’hui non seulement dans le monde et en Europe, mais également dans notre propre pays.


Force est de constater une défiance croissante de la population à l’égard de la politique, un désenchantement, une perte de confiance dans les institutions publiques et leurs représentants, voir pour certains, le rejet de notre système démocratique.


Un nombre significatif de citoyens n’hésitent pas à verser dans le populisme qui exalte le simplisme et la démagogie, qui se construit sur des exclusions et dont le principal danger est qu’il recherche toujours un bouc émissaire aux problèmes et difficultés vécues par la population.


Et nous constatons avec inquiétude, l’accommodement des partis néo-libéraux aux thèses populistes.


Ce rapprochement, cette dérive, porte un nom : l’ILLIBERALISME. Le terme a été utilisé dans les années 1990 par Pierre Rosanvallon et Étienne Balibar.


En 2014, Viktor Orbán, Premier ministre hongrois, affirme dans un discours vouloir construire « un État illibéral, un État non libéral ». Il appelle à « comprendre des systèmes qui ne qui ne sont pas des démocraties libérales, peut-être même pas des démocraties. Et qui pourtant font le succès de certaines nations », citant, entre autres la Turquie et la Russie.


Au sein de l'Union européenne, nous pouvons également citer, outre la Hongrie, la Pologne et l'Autriche comme pays connaissant un régime illibéral.


L’Illibéralisme, c’est l’alliance de deux courants que l’on croyait opposés :  le néo-libéralisme et le populisme. Ou « La tentation libérale-populiste » dont parle Jean De Munck dans un article publié dans la revue POUR de février 2018. L’Illibéralisme s’oppose au libéralisme politique. Il restreint les libertés et cherche à museler la presse et la justice ainsi que les syndicats et les mouvements de contestation.
Sans être encore une dictature, l’Illibéralisme n’est déjà plus une démocratie.

Cette dérive, nous la constatons non seulement de par le monde, des États-Unis à l’Europe de l’Est et du centre, mais également en Belgique et dans nos pays voisins.

Oui, nous sommes inquiets de l’ouverture de libéraux aux thèses populistes.

 

Quatre années de gouvernement MR/N-VA

 

Depuis quatre ans, nous subissons au niveau fédéral une politique de rupture, de démantèlement progressif de l’État, de recul social. Avec, finalement, une démocratie et un état de droit fragilisés par la politique d’une coalition dominée par un nationalisme populiste et illibéral.


«Nous n’avons pas réformé le pays, on l’a transformé » disait Charles Michel en février 2018, en parlant de l’application d’un programme politique fait d’austérité, de marchandisation, de fragilisation des fonctions collectives.


Cette politique menée est en rupture avec le modèle que nous connaissions depuis l’après-guerre :


1.    Par la remise en question et le recul du rôle de l’État et de la place des services publics au profit des entreprises privées ;
Par la réduction drastique des dépenses de l’État qui l’empêche de mener à bien les missions qui sont les siennes, au service de tous et particulièrement des plus fragilisés.
2.    Par la poursuite de l’austérité pour les uns (les plus vulnérables) ; face à l’enrichissement sans limite pour une minorité qui profite d’une flexibilisation toujours plus grande de l’emploi ainsi que d’une mansuétude fiscale ;
3.    Par la remise en cause de la concertation sociale et la mise sur la touche des organisations sociales, syndicales, mutualistes que la coalition fédérale cherche à affaiblir et à discréditer ;
4.    Par l’abandon progressif des mécanismes redistributifs qui étaient au cœur de la fiscalité et par le manque de volonté dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale;
5.    Par le recul de la protection sociale en matière de soins de santé, d’allocations sociales et de pensions ;
6.    Par le manque de prise de conscience de l’ampleur du défi climatique et environnemental alors qu’une transition écologique socialement juste est urgente ;
7.    Par la chasse et la criminalisation des migrants et des travailleurs sans-papiers.


Cette politique est à l’opposé de celle que nous défendons, c’est-à-dire une politique qui lutte contre l’exclusion, la précarité et les inégalités. Une politique qui recherche plus de cohésion sociale. Une politique qui respecte les minorités et rejette les poussées identitaires. Une politique qui reconnait l’importance de la concertation sociale et le rôle essentiel des mouvements et organisations sociales.


Avec l’alliance a priori contre nature entre néo-libéraux et nationalistes-populistes, la démocratie est fragilisée et mise en danger. Nous assistons à une politique de rupture au niveau des droits sociaux, économiques et civiques. Des tendances autoritaires refont surface. Elles vont jusqu’à nier des décisions de justice et font craindre une sortie de l’État de droit.


Cette politique marque également la remise en question de ce qui a constitué le ciment de notre modèle social. Ce modèle social qui a été un facteur de stabilité pour la société et l’économie belges. La Belgique ne s’était-elle d’ailleurs pas mieux sortie des crises économiques et financières (dont celle de 2007-2008) que beaucoup d’autres pays européens ?


Aujourd’hui, après 4 années de gestion fédérale nationaliste-libérale, la Belgique régresse.


Deux mobilisations exemplaires

 

Cependant, je tiens à souligner deux mobilisations exemplaires, deux réactions citoyennes à la gestion non démocratique des mouvements migratoires et au refus d’octroyer des droits légitimes aux travailleurs sans-papiers


1.    La réaction de celles et ceux qui ont adhéré à La Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés du parc Maximilien, comme action de résistance démocratique et comme réponse individuelle et collective face à un état failli ;
2.    La mobilisation portée par la CSC et le MOC suite à l’arrestation et à l’enfermement de Mounir Tahri, militant syndical CSC arrivé en Belgique en 2008 et de Jiyed Cheikhe, artiste, arrêtés avec d’autres sans-papiers dans les locaux d’une asbl socioculturelle à Bruxelles début février et qui sont détenus depuis au Centre fermé 127 bis dans la crainte de leur expulsion.
Je nous invite à témoigner notre solidarité à leur égard ainsi qu’à l’égard des travailleurs sans-papiers et à soutenir les actions lancées par le Comité syndical des travailleurs avec et sans-papiers de la CSC et du MOC de Bruxelles dont je salue la mobilisation.

 

Un recul

 

En conséquence de ce qui précède, oui, nous assistons à un recul et à une fragilisation de la démocratie au niveau social, économique, politique et culturel !


1.    La négation du rôle essentiel de la démocratie participative et le discrédit des corps intermédiaires, de la société civile organisée, maillon essentiel de notre système démocratique ;
2.    La recherche de boucs émissaires - le chômeur, l’invalide, le migrant - jetés à la vindicte populaire selon l’adage « Diviser pour régner » ;
3.    La mise en péril de droits civiques par une dérive sécuritaire et autoritaire, y compris dans la remise en cause de la séparation des pouvoirs visant le pouvoir judiciaire.

 

Commentaires politiques

 

Je terminerai cette analyse par quelques commentaires politiques complémentaires.

1.     Plusieurs scandales ont éclaté dans notre pays. Ils ne sont pas l’apanage d’un seul parti. Ils minent plus encore la confiance de la population dans les partis et leurs représentants et renforcent le populisme.
Il est impératif et urgent que des mesures efficaces soient d’application pour empêcher leur reproduction à l’avenir.
Certains de ces scandales ont été le prétexte à un changement de majorité en Région wallonne. Nous maintenons notre opinion déjà exprimée que la présence du MR en remplacement du PS, opère un virage dans les politiques menées en remettant en cause des projets lancés, des soutiens financiers déjà accordés et en introduisant des éléments du recul social et démocratique constatés au niveau fédéral malgré la pugnacité de la ministre que nous connaissons.
Des exemples :
- l’affaiblissement de la concertation sociale ;
- la remise en cause du soutien à des structures intermédiaires comme le RWADE et le CNCD ;
- l’introduction du service minimum aux TEC ;
- le manque d’ambition dans une réforme fiscale juste et solidaire ;
- le manque d’ambition en termes d’investissements.

 

2.    La 6e réforme de l’État a transféré aux régions et à la Communauté germanophone d’importantes compétences sociales en matière d’emploi, d’allocations familiales et de soins de santé qu’il convient de mettre en œuvre avec l’ambition de mener des politiques justes et sociales.

 

3.    Des chantiers importants ont été lancés depuis le début de la législature.
Songeons en FWB au Pacte pour un enseignement d’excellence et à d’autres projets comme l’Assurance Autonomie dans les régions wallonne et bruxelloise.
De multiples acteurs sont mobilisés et attendent la concrétisation de ces chantiers avant la fin de la législature. Ils ne comprendraient pas qu’il n’en soit pas ainsi, sous peine de découragement et de méfiance renforcée à l’égard des responsables politiques.
Notre mouvement et nos organisations constitutives sont particulièrement attentifs aux espoirs suscités d’une part en matière de lutte contre l’exclusion et l’échec scolaire par le chantier de l’enseignement, et d’autre part en matière de lutte contre la précarité et l’isolement, par le chantier de l’Assurance Autonomie.

 

4.    À l’approche des élections, des rumeurs de coalition circulent déjà et des échanges entre personnalités politiques de partis différents conduisant à une nouvelle plateforme, sont signalés.
Nous tenons à rappeler que la stratégie politique du MOC privilégie les coalitions progressistes qui portent le projet d’une société solidaire, égalitaire qui tourne le dos à l’austérité et à la régression sociale.


Nous sommes convaincus qu’après les élections, il faudra pour y parvenir, coaliser un large front de forces progressistes.

 

Le MOC en action


Ceci m’amène en dernière partie à évoquer les actions du MOC, de ses organisations et ses fédérations régionales qui témoignent d’une vitalité certaine, d’une volonté à affronter les enjeux et d’une réelle capacité de propositions et d’actions.


1.    J’évoquerais tout d’abord les campagnes menées ou en cours, dans les organisations comme :
-    la campagne sur les Pensions de la CSC, "Ca N-VA nin" de la CSC wallonne et celle coordonnée par la CNE contre les contrats associatifs ;
-    la campagne vêtements Clean animée par Solidarité mondiale à l’initiative de la CSC, de plusieurs centrales, de la Mutualité chrétienne et ses mouvements associatifs ainsi que la plateforme achACT ;
-    l’opération camion de la FEC et des travailleurs sans emploi ;
-    Les actions de solidarité avec le peuple palestinien dans lesquelles différentes composantes de notre mouvement sont actives.

 

2.    J’évoquerai ensuite la préparation des campagnes communales et législatives.
Fidèles aux principes de l’Éducation permanente et populaire, nous voulons aider les militants à voir plus clair dans les multiples enjeux, à participer à des débats avec des candidats pour confronter leurs promesses d’engagement avec nos revendications et à prendre une place active dans le processus démocratique.
Ce travail est déjà bien en cours dans les fédérations régionales concernant les élections communales de cette année. Il s’appuie sur des outils, réalisés par le CIEP, comme des fiches thématiques de grande qualité.
Concernant les élections législatives de 2019, nous mettons en débat des revendications prioritaires, d’abord au sein de nos composantes d’ici le mois de juin et ensuite après les élections communales avec les partis démocratiques et leurs candidats.
Ces revendications concernent notamment une fiscalité juste et équitable, une répartition collective du temps de travail, un travail décent et une protection sociale pour tous, une politique d’accueil humaine des migrants et sans-papiers, respectueuse de leurs droits, etc.
Je vous invite toutes et tous à vous mobiliser pour faire vivre et faire progresser la démocratie et retisser des liens sociaux au travers de ces enjeux électoraux.

 

Un changement de cap et un autre projet politique sont possibles, souhaitables et nécessaires. Un changement à porter avec les forces progressistes politiques, avec les organisations sociales et les plateformes de la société civile qui sont essentielles pour susciter l’engagement citoyen le plus important possible.
Ensemble, remettons à l’agenda, à tous les niveaux de pouvoir, la justice sociale, l’égalité, la solidarité, l’émancipation et luttons ensemble contre toutes les formes de domination.

 

Une nouvelle présidence

 

Et pour terminer, j’évoquerai l’élection à la présidence du MOC. Le 5 juin prochain, les représentants des composantes du mouvement éliront la personne qui me succèdera en janvier 2019.
La procédure est en cours au sein de chaque composante du mouvement.
Je n’ai pas de doute que je céderais ma place à une personne dynamique qui avec ambition s’engagera à reprendre le flambeau pour porter plus haut encore les valeurs du MOC et son action.

 

Enfin, à l’occasion de ce dernier discours à cette tribune de la semaine sociale, je veux vous remercier pour votre engagement, pour la richesse que représente l’apport spécifique et complémentaire de chacune des organisations et le travail, essentiel, difficile, mais passionnant que nous menons ensemble avec les fédérations et le secrétariat général.
Merci pour les rencontres passionnantes que le MOC nous offre.

 

Vive la démocratie, vive la solidarité, vive le MOC.
Merci à chacune et chacun d’entre vous !

Christian Kunsch, Président

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