Logo du MOCA la veille des actions syndicales du 6 octobre pour le pouvoir d'achat, Thierry Jacques, président du MOC, répond à bout portant aux questions de Bernard Demonty.

 

 

 

 

Le 6 octobre, les syndicats organisent des actions, pour soutenir le pouvoir d’achat. Une démarche utile?

Je pense que ce qu’il faut entendre, c’est le message que les travailleurs envoient à cette occasion. Cela s’adresse aussi bien aux employeurs qu’au gouvernement. Du côté des employeurs, certains ont mis de l’huile sur le feu en évoquant de remettre en question l’indexation automatique des salaires, alors que nous vivons depuis le début de l’année avec une inflation record et que les gens vivent de manière très forte la baisse du pouvoir d’achat.

 

Vous partagez l’avis qu’il ne faut pas toucher à l’indexation automatique des salaires?

Absolument. L’index est une façon de sauvegarder le pouvoir d’achat.

 

Ce n’est pas risqué de s’accrocher à l’index ? Certaines entreprises éprouvent de réelles difficultés à financer ces hausses de salaires répétées.

Je pense qu’il est raisonnable de défendre l’indexation parce que cela permet de limiter un appauvrissement de la population. C’est un mécanisme qui continue à faire ses preuves. Dire cela, ce n’est pas nier les difficultés que l’indexation peut représenter pour des entreprises de petite ou moyenne taille. C’est pour cela que je pense qu’il ne faut pas s’attaquer à l’index, mais qu’il faut maîtriser l’inflation.

 

Comment?

En Belgique, nous avons un taux d’inflation parmi les plus élevés d’Europe, avec la Slovénie. Quand on regarde un peu plus loin, on s’aperçoit que l’augmentation de l’inflation est surtout due à la hausse des prix de l’énergie, qui est, elle, quatre fois supérieure à ce qu’elle est dans la zone euro. Je pense qu’il y a là une responsabilité des pouvoirs publics. Je suis aussi frappé de voir que, dans ce contexte, le discours du gouvernement consiste à plaider pour davantage de libéralisation et de concurrence pour mieux maîtriser les prix. Mais nous avons le sentiment que la solution passe par une régulation publique des prix. Par une contribution plus grande de ceux qui profitent de ces hausses de prix, comme par exemple Electrabel qui, depuis des années, a eu des profits importants.

 

Les actions du 6 octobre prochain sont aussi dirigées contre « l’absence de réaction du gouvernement » face au problème du pouvoir d’achat. Un reproche justifié?

En juin, il y a eu des manifestations qui ont montré que la question du pouvoir d’achat était vécue difficilement par le monde du travail. Et, hormis les mesures prises par le gouvernement en juin, dont un grand nombre n’a même pas encore été exécuté, le gouvernement donne l’impression de ne pas avoir pris ces problèmes à bras-le-corps.

 

Au gouvernement, il y a pourtant des formations humanistes et socialistes. Comment jugez-vous leur action ?

Nous ne sous-estimons pas l’importance de l’action des progressistes. Par exemple, en matière fiscale, les intentions de Didier Reynders et des libéraux étaient de supprimer le barème fiscal de 45 %, ainsi que celui de 30 %. Les progressistes ont obtenu qu’on ne réduise que celui de 30 %, et encore, sur 5 ans. Donc, la suppression du barème de 45 %, qui touche les revenus les plus élevés, Didier Reynders ne l’a pas obtenue. Autre exemple : les libéraux voulaient le relèvement du minimum imposable pour tout le monde et pas seulement les catégories de revenus les plus faibles. Ils ne l’ont pas obtenue.

 

À quoi attribuez-vous ces résultats du gouvernement en matière de pouvoir d’achat, que vous jugez insatisfaisants? Aux problèmes communautaires?

Il est clair que les problèmes communautaires ont plombé l’action politique depuis un an et demi. Il faut espérer à présent que le dialogue institutionnel démarre au sein du groupe chargé de s’en occuper et que le gouvernement puisse empoigner les questions socio-économiques. La deuxième, c’est la crise internationale, qui fait peser de lourdes hypothèques sur la situation budgétaire. Et puis il y a aussi ce gouvernement, qui allie l’eau et le feu: des libéraux qui mettent le marché au centre de tout, sans régulation, et des progressistes qui veulent une certaine régulation et une redistribution pour avoir une société avec davantage d’égalité. C’est difficile de faire des politiques avec des gens qui ont des opinions aussi différentes.

 

Mais avec le problème budgétaire, le gouvernement pourra-t-il répondre aux demandes des travailleurs?

Les semaines qui viennent vont effectivement être extrêmement compliquées. Ce que nous disons, c’est qu’il faut améliorer le pouvoir d’achat, mais aussi la qualité de la vie. On peut répondre aux demandes des travailleurs par des mesures qui sont davantage qualitatives et structurelles, c’est-à-dire des mesures qui ne sont pas prises le nez sur le guidon mais qui engagent sur le plus long terme.

 

Par exemple?

Je peux citer les mesures prises par le gouvernement wallon et de la Communauté française : les allocations d’étude, l’accueil de l’enfance et la gratuité des transports en commun. Ce sont des mesures intéressantes, parce qu’elles permettent de répondre au problème du pouvoir d’achat par des services collectifs, en ciblant ceux qui sont le plus touchés par les problèmes de pouvoir d’achat. Je citerais aussi la formation. Il y a des inégalités terribles dans ce domaine : en Région wallonne, un adulte sur dix ne maîtrise pas la lecture et l’écriture, majoritairement des femmes. Pour ces personnes, le problème du pouvoir d’achat est terrible : elles n’ont pas d’emploi, vivent dans des habitations mal isolées. Je pense donc qu’il faut répondre aux situations d’urgence, mais aussi préparer l’avenir.

 

Les partenaires sociaux vont entamer, le mois prochain, la négociation d’un accord interprofessionnel (AIP). Mission impossible?

Mission très difficile. Ceci dit, je n’ai jamais connu, ces vingt dernières années, une situation où on allait vers un AIP à l’aise et décontracté. Il y a même eu des périodes où il n’a pas été possible de signer un accord. C’est regrettable, car un tel accord permet notamment d’améliorer la situation des plus faibles. Je souhaite vraiment que les négociations à venir aboutissent, car elles incarnent le modèle de concertation si important pour notre pays, et qui a toujours fait ses preuves.

 

Bernard Demonty

http://archives.lesoir.be/a-bout-portant-%AB-le-gouvernement-doit-empoigner-les_t-20080924-00J3AE.html?

logo csc be                             logo ep          JOC logo rouge horizontal          wsm logo

© 2009 MOC

moc-homeChaussée de Haecht, 579 à 1030 Bruxelles.
moc-phoneTél : 02 246 38 01 - Fax : 02 246 38 55
moc-email secret.gen@moc.be