famille syrienneCommuniqué de presse du CIRÉ(*), Amnesty international, CNCD-11.11.11., Ligue des droits de l’Homme,
Médecins du Monde, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, 11.11.11.

 

Aujourd’hui, dans un arrêt très attendu et dont la portée dépasse le contexte belge, la Cour de Justice de l’Union européenne réunie en grande chambre a estimé que les États européens ne sont pas obligés de donner des visas humanitaires à toute personne devant fuir des situations inhumaines et dégradantes. Un arrêt très décevant qui se distancie de la position de l’avocat général. Et un signal inquiétant lancé à l’Union européenne et à ses États membres qui ne cessent d’accroître les contrôles aux frontières et de restreindre l’accès au territoire aux migrants et aux réfugiés. Une occasion historique manquée de réaffirmer les valeurs de l’Union européenne basées sur les droits fondamentaux.

 

À l’origine de cette affaire se trouvait une question préjudicielle posée par le Conseil du contentieux belge (CCE) qui devait trancher le cas d’une famille syrienne d’Alep, à qui un visa humanitaire avait été refusé par l’État belge. Un dossier similaire à celui qui fut très médiatisé fin de l’année dernière et qui concernait une autre famille d’Alep, pour laquelle l’État belge s’était obstiné à ne pas octroyer de visas humanitaires, alors qu’une décision de justice exécutoire l’y obligeait sous peine d’astreintes. Ce cas avait engendré une multitude de recours par l’État belge qui ne souhaitait pas « créer de précédent » et ouvrir sa porte à tous les réfugiés dans la même situation. Le Secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Theo Francken, se retranchant derrière son pouvoir discrétionnaire. L’affaire des visas humanitaires avait également suscité nombre de réactions de la part d’autres États membres de l’UE et de la Commission européenne qui soutenaient la Belgique dans sa position.

 

La Cour de Justice s’est prononcée sur la question de la délivrance des visas humanitaires, prévue en droit européen dans le Code des visas, dans le cas où les personnes encourent un grave danger dans leur pays et qu’elles n’ont pas d’autres moyens pour rejoindre légalement un pays européen, si ce n’est de recourir à des voies illégales et très dangereuses (en 2016, plus de 5.000 morts ont été enregistrés rien qu’en mer Méditerranée).

 

Les conclusions très pertinentes de l’avocat général de la Cour de Justice, Paolo Mengozzi, rendues le 7 février dernier, s’opposaient avec force au raisonnement de l’État belge. Selon lui, les États européens n’ont pas de marge de manoeuvre lorsqu’il s’agit de délivrer ces visas à des personnes en quête de protection internationale quand il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un refus les exposera à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants (en raison du caractère absolu de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE). Et cela, que ces personnes aient ou non un lien avec le pays et sans qu’elles doivent être présentes sur le sol ou à la frontière de l’État européen en question. Un avis exemplaire d’un point de vue juridique, et juste, compte tenu des valeurs humanistes sur lesquelles s’est fondée l’UE.

 

La Cour de Justice a décidé de ne pas suivre l’avis de l’avocat général et vient affirmer qu’il ne peut être question d’obliger les États européens à délivrer des visas humanitaires. Ces derniers restant libres dans l’évaluation du caractère humanitaire de la demande, et maîtres du contrôle de l’accès au territoire et à la procédure d’asile. Cet arrêt rendu par 15 juges s’inscrit clairement dans un contexte de crise politique, où les décideurs européens optent pour des politiques d’externalisation de l’asile et de fermeture des frontières, les migrants étant perçus comme une menace dont il faut se protéger.

 

Nous déplorons cet arrêt et ne partageons pas l’analyse de la Cour qui permettra encore aux États européens, dont la Belgique, de refuser de délivrer des visas humanitaires à des personnes en grave danger, qui continueront de n’avoir d’autre choix que de mettre leur vie en péril pour atteindre le sol européen afin d’y être protégées.

 

En ne consacrant pas le visa humanitaire comme une voie d’accès légale et sûre au territoire, c’est le droit d’asile même qui ne peut être mis en oeuvre. Or, ce droit est consacré par la Convention de Genève de 1951, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Avec le raisonnement juridique mis en avant dans cet arrêt, c’est ce droit fondamental qui est encore un peu plus enterré.

 

Bien que l’arrêt n’oblige pas l’État belge à délivrer des visas humanitaires, notamment aux familles syriennes d’Alep, ce dernier reste dans l’obligation d’examiner les demandes au cas par cas, en tenant compte de toutes les circonstances particulières, notamment les liens existant entre les personnes sollicitant ce visa et notre pays (présence de membres de la famille, famille d’accueil ou sponsor privé). Nous demandons à l’État belge de mettre en place des critères d’évaluation des demandes afin que la pratique ne soit plus arbitraire. Et, surtout, nous lui demandons de traiter ces demandes avec toute l’humanité et la solidarité qui s’imposent.

 

(*) Le MOC est membre du CIRÉ (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers)

 

 

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