Voeuxphoto2017Voici le discours que le président du MOC a prononcé lors des voeux annuels du MOC national.

"La séquence des vœux publics (du MOC), constitue un moment particulier dans la vie d’une organisation, d’un mouvement : c’est à la fois l’heure des bilans - quelles analyses et leçons tirons-nous de l’année écoulée - mais c’est aussi le moment où l’on envisage les perspectives pour l’année à venir. D’un côté l’analyse, l’introspection, la remise en question face à nos actions menées et aux événements qui se sont déroulés ; de l’autre, les projets, les espoirs de changement, de liberté, d’un autre monde en marche, d’un avenir plus lumineux. L’un et l’autre ne s’opposant pas nécessairement, le passé pouvant aussi nous donner des leçons d’espoir pour demain ; nous le souhaitons. C’est donc ce savant mélange d’analyse critique et d’espoir libérateur qui imprègnent ce moment de rassemblement pour nous conduire ensemble vers une société en progrès social. Les deux démarches, rétrospectives et prospectives sont essentielles pour envisager notre futur. Comme disait Brecht, « avant tout changement, la nouvelle lune a besoin de serrer la vieille lune dans ses bras… ».


Alors, côté bilan : que retenir de 2016 ? Ce ne fut pas une bonne année vu la succession d’évènements de triste nature :


-    Les guerres, les conflits meurtriers de par le monde avec les centaines de milliers de morts, les millions de déplacés, de réfugiés, de déracinés ;
-    Les attentats ici et là-bas, en Belgique, en France, en Allemagne, en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Afrique ;
-    La gestion indigne par l’Europe et nombre de pays membres, de l’afflux migratoire et l’accord inique et cynique avec la Turquie pour tenir les réfugiés éloignés de l’Europe ;
-    La poursuite d’une politique au niveau fédéral qui divise, appauvrit de plus en plus tout en permettant à une minorité de poursuivre son enrichissement, une politique qui continue de s’attaquer à la sécurité sociale, à son financement, aux allocataires sociaux, aux soins de santé, au rôle des partenaires sociaux en cherchant à mettre sur la touche les organisations sociales syndicales et mutualistes.
-    La poursuite de la politique d’austérité qui s’accompagne d’une politique budgétaire qui reste, malgré les coupes sombres dans les budgets publics et sociaux, largement déficitaire faisant craindre d’autres mesures antisociales ;
-    La politique sécuritaire dont nous craignons les conséquences liberticides ;
-    La montée du populisme, le Brexit en Grande-Breatgne, l’élection de Donald Trump, la percée des partis d’extrême droite et les dérives autoritaires en Europe et à ses frontières.

Cette liste n’est certes pas exhaustive et ne suscite pas un grand optimisme... Je préfère cependant aborder un fait plus positif.
Car au moins une éclaircie s’est présentée à nous en 2016 : la manière dont les mouvements sociaux, la société civile, ont réussi à ralentir l’écrasante machine néo-libérale grâce à notre lutte contre les traités commerciaux transnationaux et en particulier, le CETA. Certes, les derniers soubresauts de ce dossier nous prouvent que rien n’est totalement gagné. Mais, en ces temps difficiles, chaque victoire, si partielle soit-elle, compte.
La lutte contre le CETA et le TTIP est une lutte exemplative.
Oui, il est possible de faire bouger les lignes ! En instruisant un dossier pas à pas, en cherchant à démonter un à un les arguments de nos adversaires, en conscientisant, en mobilisant, en travaillant en réseau, nous avons réussi à porter haut et fort nos revendications, à occuper l’espace médiatique et, in fine, à infléchir (quelque peu) les politiques publiques…
C’est cette dynamique d’éducation permanente que j’ai envie de retenir pour 2016. C’est cette dynamique qu’il nous faut prolonger en 2017.


Et pas seulement contre le CETA. Car les combats sont encore très nombreux.


Deux enquêtes récemment publiées dans la presse ont mis en lumière le ressenti particulièrement interpellant des Belges par rapport à l’avenir et à l’état de nos démocraties. Sans surprise, la confiance dans les institutions de notre pays n’y est pas au mieux. Mais c’est l’ampleur de cette méfiance qui pose question.
Certains chiffres nous font toutefois croire qu’un changement est possible. Ainsi, dans une de ces enquêtes, 91% des personnes interrogées estiment que, pour sortir de la crise, il faut changer le système. 88% pensent également que nous fonçons droit dans le mur et qu'il est urgent de changer nos modes de vie... Quelques lignes plus loin cependant, nous apprenions qu’une majorité de Belges semble davantage croire aux initiatives individuelles qu’aux initiatives collectives pour faire bouger les choses.


Que pouvons-nous retirer de ces constats ?
Que l’insatisfaction, voire la colère est prégnante dans notre société au point que nombreux sont les citoyens qui rêvent d’un autre modèle de société. Mais que, globalement, ils ne croient plus en la capacité du monde politique et, plus largement des institutions, à changer les choses.
Il n’est pas interdit de penser que ce positionnement soit principalement le reflet d’un rejet d’un modèle néolibéral qui, depuis plus de 30 ans, n’a cessé de tout broyer sur son passage.
Mais il s’agit d’être prudent. Car la colère, les frustrations, le désenchantement et les souffrances qui se sont exprimées l’année dernière un peu partout, sont susceptibles de prendre différentes formes. Elles peuvent certes prendre la forme de nos combats solidaires pour lutter contre les horreurs sociales du gouvernement Michel, leur parti-pris en faveur des riches. Mais le Brexit, l’élection de Trump, la montée des sentiments de rejet de l’autre, la libération de la parole raciste, sexiste et homophobe, sont une autre forme d’expression de cette colère.


En tant que mouvement social, nous avons la responsabilité de l’entendre, de l’analyser, mais aussi d’apporter des réponses.


Une première forme de réponse réside dans le travail de sensibilisation et de formation, d’éducation permanente que nous menons sur ces problématiques.  
Nous allons, entre autres choses, démarrer très prochainement une campagne POUR UNE JUSTICE MIGRATOIRE, et contre le racisme, avec nos partenaires. Nous réalisons aussi un travail de fond, de longue haleine, auprès d’acteurs de terrain comme les délégués syndicaux pour les aider à comprendre, déceler et combattre toute forme d’exclusion, de discrimination et de racisme dans leur lieu de travail.
Nous mènerons également une campagne DE DECONSTRUCTION DU DISCOURS NEO-LIBERAL et de ses dégâts sociaux, politiques, culturels et économiques.
Complémentairement au congrès régional wallon de la CSC, nous organiserons notre semaine sociale sur LE SENS ET L’AVENIR DU TRAVAIL.
C’est une réponse nécessaire, mais pas suffisante.

Une autre forme de proposition consiste à donner de la résonnance et de l’amplitude aux tentatives de réponses citoyennes positives à ce rejet du système. Les enquêtes précitées l’illustrent : ces réponses sont de plus en plus individuelles ou, à tout le moins, locales. De nombreuses initiatives fleurissent un peu partout. Des initiatives, tournées vers l’avenir et qui ont le mérite de faire sens pour toute une série de citoyens qui ne croient plus en l’action collective traditionnelle. Le film « Demain » en a dénombré partout à travers le monde. Mais il ne faut pas chercher si loin : elles existent ici en Belgique et au sein même de notre mouvement, comme l’a notamment montré la campagne du CIEP SEMONS DES POSSIBLES. Citons ainsi :
-     les marches exploratoires de femmes ;
-    Les initiatives prisent avec les résidents des Habitats Permanents ;
-    Les Comités de travailleurs avec les sans-papiers ;
-    Les caps vers l’alpha avec des femmes originaires d’Afrique et du Proche et Moyen orient ;
-    Les collectifs Pauvreté ;
-    Les formations Socrate sur des questions de société ;
-    Les initiatives citoyennes de Bouche à l’Oreille, de Consomm’acteurs solidaires, d’échanges locaux, les jardins solidaires « Terre en vue et Herbes folles »,
-    etc.

 

Un défi s’impose alors à nous, mouvements sociaux : comment transcender ces initiatives individuelles/locales pour leur donner une portée collective et politique indispensable et les faire participer positivement au rapport de force qui nous oppose aux forces « régressistes ».  Passer d’une transformation individuelle où l’on agit à une échelle micro (on trie ses déchets, on mange bio, on consomme différemment) à une transformation collective et sociétale méso et macro (on questionne le système, ses modes de production et de répartition des richesses et on propose des changements à grande échelle).
Ce passage de l’un à l’autre se réalise par un long travail d’éducation permanente.

 

Il est aussi de notre devoir de nous interroger sur nos modes d’action. D’autant que nous sommes confrontés à un autre défi essentiel. Nos décideurs, emportés par la machine néo-libérale, ont exclu du système social un nombre grandissant de citoyens. Il ne faut pas s’étonner que ceux-ci refusent de voter, de contribuer à l’effort collectif, de cotiser pour une sécurité sociale dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Dans nos combats, il s’agit de ne pas oublier cette génération qui disparait des radars. Cette génération que l’on verra survivre à coups de petits boulots de type Uber et qui ne verra plus la nécessité de cotisation à la sécurité sociale, ni de payer des contributions/des impôts.

 

Une autre réponse se trouve dans l’écoute des souffrances.  Le populisme, on le sait, nait du sentiment d’abandon populaire par les élites en place.  Au Mouvement ouvrier chrétien, grâce à nos nombreux relais au sein de nos organisations et fédérations, nous sommes proches du terrain. Nous ne sommes pas déconnectés de cette réalité qui semble échapper à une cette élite politico-financière qui, aujourd’hui, a les clés du pouvoir. A nous de faire remonter les questionnements citoyens. A nous de faire vivre la démocratie en conscientisant, en débattant, en protestant, en revendiquant et en proposant des alternatives. A nous, aussi de défendre des idées claires.

 

Parmi ces idées claires, et parallèlement au soutien à ces initiatives locales, il y a bien évidemment nos fondamentaux. Et notamment le soutien absolu de notre modèle de sécurité sociale. Il n’a probablement jamais été attaqué de manière aussi frontale et assumée par un gouvernement fédéral. Entendre le Premier ministre, le week-end dernier, soutenir ses réformes car ce sont elles qui vont sauver les générations futures est le comble du cynisme.
Comment oser tenir de tels propos alors que c’est ce même gouvernement qui nous impose l’austérité, le saut d’index, les baisses des allocations, le recul de l’âge de la pension, les diminutions de remboursement des soins de santé, les exclusions ? Comment oser tenir de tels propos alors que c’est ce même gouvernement qui a comme volonté à peine voilée de fragiliser notre modèle de financement de la sécurité sociale ?
C’est dans ce cadre que se place l’action « Carte blanche » en réaction au projet de loi réformant le financement de la sécurité sociale et les interpellations politiques qui s’en suivent et que nous suscitons.

 

S’opposer à ces mesures est dans notre ADN. Il ne faut toutefois pas se leurrer : il n’est pas aisé de faire reculer le gouvernement Michel. Mais il ne s’agit pas pour autant d’abandonner. Les luttes sociales s’inscrivent dans un temps long, bien plus long que celui de l’action d’un gouvernement. Cela peut sembler difficile à entendre à l’heure de l’immédiateté, à l’heure où tout se décide et se commente sans recul, mais il est nécessaire de ne pas perdre courage, de continuer à défendre les valeurs auxquelles nous nous référons, à défendre des idées et à imaginer des propositions alternatives, car un jour viendra où ce gouvernement ne sera plus en place. Et les élections de 2018 et 2019 se profilent à l’horizon. Préparons-nous à ces échéances et aux enjeux qu’elles représentent.


Soutenir les initiatives locales qui redonnent sens à l’action et les rendre complémentaires à nos combats collectifs : c’est un travail de longue haleine. Le travail d’éducation permanente et d’insertion socio-professionnelle du MOC et de chacune de nos organisations et fédérations, peut et doit y contribuer.

 

Comme l’a dit Simone de Beauvoir : « Le présent n’est pas le passé en puissance, il est le moment du choix et de l’action ».

C’est pourquoi, je nous souhaite, une année 2017 de choix et d’action en nous appuyant sur nos valeurs fondamentales de solidarité, d’égalité, de justice!

Bonne année 2017, ayons ensemble l’énergie et la combativité pour relever les multiples défis qui nous attendent.

C’est ce que je nous souhaite."

 

Christian Kunsch, président du MOC

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